Brain inside
Je t’ai manqué hein ? Et pour un come back encore plus transcendantal, carrément une nouvelle catégorie : Oh My Job. Que d’émotion…
Rentrons dans le vif du sujet. Récemment, j’ai bossé comme hôtesse pour une « Journée de la Gestion Privée » dans un immeuble Haussmannien. Enfin une bonne raison de porter mes chaussures pointues de Dadame et ce fantastique tailleur gris Morgan. Surtout une bonne occasion de découvrir que je pouvais être (grassement) payée à ne (presque) rien faire.
Concrètement, ne presque rien faire consiste à se tenir bien droite en lançant des sourires complaisants à une assistance masculine à 90% et guindée à 99%. A l’appui, mains jointes devant ou derrière, petit plissement des yeux adéquat, et quant au sourire, sans les dents of course.
Le « presque rien faire » ne se limite heureusement pas à cela. On peut y ajouter le réajustement des piles de dépliants, les pauses thé-madeleines, et de temps à autre le pointage des invités sur le listing. Sans option café. Une véritable arnaque en jupe.
Parlons-en des invités. Je ne te cache pas que je nourrissais le secret espoir de rencontrer un bon pigeon parti à cette petite sauterie de banquiers. Quelle ne fût pas ma déception au fur et à mesure du déferlement de quadra et quinqua bedonnants, BlackBerry greffé à la main et implants capillaires hasardeux. Bien que le PIB de l’étage avoisinait celui des Emirats Arabes, pas de jeune cadre dynamique à croquer. A part peut-être Giovanni, mais qui selon une source sûre sait se montrer « très chaleureux, surtout avec les hommes ». Quand je te dis que le sort s’acharne…
Cependant j’avoue que parfois l’envie me prenait d’attraper un porte voix pour notifier à tous ces grands esprits que moi aussi j’avais un cerveau et que j’étudiais le droit international et que je lisais le Time et que… Mais je me ravisais en général. On trouve toujours une bonne raison de se raviser : aller chercher des toasts au caviar tant qu’il en reste, re-brusher sa mèche aux toilettes, capter discrètement la conversation d’un petit groupe, ou que sais-je encore.
Ne vas pas non plus croire que ce job est sans risque. Il faut à tout prix éviter de glisser sur le parquet d’époque, de dire « putain de merde » à haute voix, de filer son collant, de ciller en présence d’une haleine douteuse. L’exercice est ardu. Tout comme savoir réfréner ses pulsions cyniques. Notamment lorsque se présente à moi le PDG de Merill Lynch et que je meurs d’envie de lui dire d’un air faussement contrit « mes sincères condoléances ». A cet instant, j’ai songé à la brillante carrière qui m’attend, et au probable manque d’humour de mon interlocuteur.
Alors j’ai plissé les yeux, et j’ai souri... sans les dents.